Enjeux et opportunités de l’énergie, du développement durable, de l’hydrogène, des SMR et des transports

Note de synthèse stratégique : Enjeux et opportunités de l’énergie, du développement durable, de l’hydrogène, des SMR et des transports
Sébastien Tertrais
Date : 12 septembre 2025

Contexte : Conférence à Saint-Malo, 26 septembre 2025, organisée par « Si Tous les Ports du Monde », avec un focus sur la décarbonation et l’hydrogène maritime. Cette note synthétise les enjeux actuels et les opportunités liées à l’énergie, au développement durable, à l’hydrogène, aux petits réacteurs modulaires (SMR) et aux transports, en tenant compte des promesses et des limites de ces technologies. Elle adopte une approche prudente, reconnaissant les attentes élevées mais parfois trop ambitieuses placées dans l’hydrogène, notamment en raison des coûts élevés des solution proposées par le passé.

 

1. Contexte énergétique et développement durable
L’existant :

  • Mix énergétique français : La France dispose d’un mix électrique parmi les plus décarbonés au monde (96-98 % d’électricité bas-carbone en 2024), grâce au nucléaire (67 % du mix, 361,7 TWh en 2024) et aux énergies renouvelables (EnR : 25-30 %, dont 16 GW solaire, 21 GW éolien, et hydroélectricité). Cependant, le parc nucléaire (61,4 GW, 56 réacteurs + EPR Flamanville) fonctionne à un facteur de charge de 67-73 % en raison de maintenances (Grand Carénage, 49-51 milliards d’euros), problèmes techniques (corrosion sous contrainte) et modulations pour équilibrer le réseau face à l’intermittence des EnR.

 

  • Défis du développement durable : La France vise la neutralité carbone d’ici 2050 (Stratégie Nationale Bas-Carbone), mais le secteur des transports (30 % des émissions de CO2) reste un point noir, notamment pour les transports lourds (camions, navires, aviation). Les ports, comme Saint-Malo, sont des hubs stratégiques pour tester des solutions décarbonées.
  • Contexte global : L’Union européenne impose des objectifs stricts (Fit for 55 : -55 % d’émissions d’ici 2030), et la demande mondiale d’énergie propre croît, avec une pression sur les filières bas-carbone comme le nucléaire et l’hydrogène.

Opportunités :

  • Valorisation du nucléaire : Augmenter le facteur de charge des réacteurs (jusqu’à 80-90 %) en utilisant l’excédent d’électricité pour des applications comme l’hydrogène.
  • Rôle des ports : Les ports peuvent devenir des hubs énergétiques pour la production, le stockage et la distribution de carburants décarbonés, renforçant leur rôle économique et écologique.
  • Collaboration internationale : Les partenariats (ex. : Toyota, Energy Observer) permettent de mutualiser les innovations, notamment pour le transport maritime et terrestre.

2. L’hydrogène : entre promesses et réalité
L’existant :

  • Production actuelle : La France consomme 2 Mt d’hydrogène par an, principalement « gris » (produit à partir de gaz/pétrole, 1-2 €/kg, mais émetteur de CO2). L’hydrogène bas-carbone (vert ou rose) représente moins de 5 % de la production. Des projets pilotes existent, comme H2V Normandy (électrolyse couplée au nucléaire à Gravelines, 5000 t/an d’ici 2028).
  • Applications : L’hydrogène est utilisé dans l’industrie (raffineries, ammoniac), et son potentiel dans les transports lourds (camions, navires) est testé, notamment par Energy Observer (bateau à hydrogène) et Toyota (piles à combustible).
  • Limites et perceptions : L’hydrogène a été promu comme une « solution miracle » dans les années 2010-2020, mais les coûts élevés (électrolyseurs : 500-1000 €/kW ; hydrogène bas-carbone : 4-6 €/kg) et les défis logistiques (stockage, transport) ont refroidi l’enthousiasme. Sur X, des critiques qualifient l’hydrogène de « bulle spéculative » ou de « subvention mal allouée », bien que les projets pilotes montrent des progrès.

Opportunités :

  • Hydrogène rose : Produire de l’hydrogène par électrolyse alimentée par le nucléaire (rose) permettrait de valoriser les 30 TWh perdus annuellement par modulation (8 % de la production nucléaire). Par exemple, 10 GW de réacteurs dédiés à l’électrolyse pourraient produire 200 000 t/an d’H2, couvrant 10 % de la demande actuelle.
  • Transport maritime : Les ports comme Saint-Malo pourraient devenir des points de ravitaillement en hydrogène pour ferrys ou cargos, réduisant les émissions du transport maritime (3 % des émissions mondiales). Energy Observer illustre cette faisabilité.
  • Soutien politique : Le plan France 2030 (9 milliards d’euros) et les subventions européennes soutiennent le déploiement, mais une réorientation vers l’hydrogène rose (plutôt que vert) pourrait maximiser l’usage du parc nucléaire.
  • Prudence : Les coûts doivent être mieux anticipés. Par exemple, équiper 10 GW d’électrolyseurs coûterait 5-10 milliards d’euros, sans compter le transport (pipelines : 1-2 M€/km). Une communication transparente sur ces chiffres est essentielle pour éviter un nouvel « effet bulle ».

 

3. Les SMR : une innovation à long terme
L’existant :

  • État du développement : Les petits réacteurs modulaires (SMR, 50-300 MW) sont en phase de R&D. En France, EDF développe NUWARD (2x170 MW, prototype prévu pour 2030-2035). Aucun SMR n’est opérationnel en 2025, et les coûts estimés (5-7 €/W) restent élevés.
  • Avantages potentiels : Modularité, déploiement rapide, et localisation près des sites de consommation (ports, industries).
  • Limites : Les contraintes réglementaires (ASN) et les délais (10-15 ans minimum) freinent leur adoption. Sur X, certains qualifient les SMR de « pari risqué » face à la concurrence des EnR.

Opportunités :

  • Production d’hydrogène : Un SMR de 170 MW pourrait alimenter un électrolyseur produisant 3000-4000 t/an d’H2, idéal pour des applications locales comme les ports.
  • Décarbonation ciblée : Les SMR pourraient alimenter des zones industrielles ou portuaires (ex. : Dunkerque, Fos-sur-Mer, Saint-Malo), réduisant la dépendance aux combustibles fossiles.
  • Complémentarité : À long terme (2040-2050), les SMR pourraient augmenter la capacité nucléaire française (1-2 GW visés), soutenant à la fois l’électricité et l’hydrogène.

4. Transports : un secteur clé pour la décarbonation
L’existant :

 

  • Émissions : Les transports représentent 30 % des émissions françaises de CO2, avec une forte dépendance aux carburants fossiles pour le maritime (fuel lourd) et l’aérien (kérosène).
  • Initiatives : Toyota développe des piles à combustible à hydrogène pour véhicules lourds et explore des applications maritimes. Energy Observer teste des solutions pour la navigation décarbonée (hydrogène + EnR).
  • Limites : L’infrastructure de ravitaillement en hydrogène est quasi inexistante (100 stations en France en 2025), et les coûts des piles à combustible restent prohibitifs (100-200 €/kW).

Opportunités :

  • Hydrogène maritime : Les ports comme Saint-Malo pourraient devenir des hubs de ravitaillement pour navires à hydrogène, avec des projets pilotes inspirés d’Energy Observer.
  • Synergie avec le nucléaire : L’hydrogène rose, produit à partir de l’excédent nucléaire, pourrait alimenter ces navires, réduisant les coûts par rapport à l’hydrogène vert (EnR).
  • Modèles économiques : Des partenariats public-privé (ex. : Toyota, EDF, ports) pourraient financer les infrastructures de ravitaillement, tandis que les contrats pour différence garantiraient des prix compétitifs pour l’H2.

5. Recommandations stratégiques

 

  1. Valoriser le parc nucléaire existant : Utiliser les 30 TWh perdus par modulation pour produire de l’hydrogène rose, avec des projets pilotes près des centrales (ex. : Flamanville pour Saint-Malo).
  2. Investir dans l’hydrogène maritime : Développer des stations de ravitaillement dans les ports, en s’appuyant sur des acteurs comme Toyota et Energy Observer.
  3. Anticiper les SMR avec prudence : Soutenir NUWARD, mais communiquer clairement sur les délais (2030-2035) et les coûts pour éviter les attentes irréalistes.
  4. Transparence sur les coûts : Restaurer la confiance en détaillant les investissements nécessaires (électrolyseurs, pipelines, stations H2) et en proposant des modèles de financement (subventions, partenariats).
  5. Engager les parties prenantes : La conférence de Saint-Malo, avec Toyota, Energy Observer, et des experts québécois, est une opportunité pour fédérer les acteurs autour d’une vision commune, intégrant nucléaire, SMR, et hydrogène.

Conclusion
La France dispose d’atouts uniques pour un avenir décarboné : un parc nucléaire robuste, une expertise croissante dans l’hydrogène, et des ports stratégiques comme Saint-Malo. L’hydrogène rose offre une solution pour optimiser le facteur de charge nucléaire et décarboner les transports, tandis que les SMR représentent un complément à long terme. Cependant, les coûts élevés et les difficultés rencontrées par le passé imposent une approche prudente et transparente. La conférence du 26 septembre 2025 à Saint-Malo est une occasion idéale pour découvrir les opportunités offertes par ces solutions et les promouvoir, en s’appuyant sur des exemples concrets (Energy Observer, Toyota), tout en évitant l’écueil d’un enthousiasme non maîtrisé.


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